Monsieur le Président de la République,

  Nous sommes le Syndicat de l’Education Populaire (SEP-UNSA), qui représente deux professions du monde de l’éducation : les conseillers d’éducation populaire et de la jeunesse (CEPJ), agents de catégorie A de la Fonction Publique d’Etat, et les animateurs socioculturels du secteur associatif et de la Fonction Publique Territoriale.

  Nous vous écrivons une lettre en réponse à votre discours d’investiture du 24 avril 2022. Dans ce discours, vous encouragez les Français à faire preuve de confiance en l’avenir et à construire la prospérité du pays. Et vous affirmez le rôle fondamental de la culture et de l’éducation pour mettre en œuvre votre projet politique.

  Or, les professionnels que le SEP représente -CEPJ et animateurs- sont les acteurs oubliés des politiques publiques de l’éducation, qui nient leurs compétences et méconnaissent leur utilité sociale. En effet, au fil des réformes, ces professionnels ont été maltraités, privés de leur environnement structurant -tant dans le domaine de la formation professionnelle aux métiers de l’animation socioculturelle que dans l’exercice de leurs métiers- et de la possibilité de prendre part à la mise en œuvre des politiques de l’éducation, du lien social et du développement des territoires, dans leurs dimensions stratégique et opérationnelle.

  Pourtant, ces professionnels de l’éducation sont au quotidien au contact des enfants et des jeunes, de nos aînés, des publics fragiles, des réfugiés… Et quoique leurs métiers soient méconnus des gouvernements successifs, leurs compétences dépréciées et sous-employées, ils sont de fait chargés par l’État et par les familles des loisirs et de l’éducation, des questions de citoyenneté, de développer le maillage des associations et des organismes de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) qui tissent les liens entre les citoyens sur le territoire.

  Notamment, ils agissent dans trois domaines fondamentaux pour la mise en œuvre de la politique publique que vous défendez :

– L’insertion et l’inclusion : Les animateurs agissent sur les territoires de la République avec les collectivités locales et les associations, auprès des publics fragiles, pour mettre en œuvre des projets d’Éducation Populaire qui, par exemple, concourent à l’inclusion de nos aînés, donnent envie à des jeunes sortis du système scolaire d’œuvrer agir à nouveau pour leur avenir ou tissent des liens avec des publics nouvellement arrivés sur le territoire  national.

– L’éducation des enfants dans et hors de l’école : Les animateurs sont des acteurs éducatifs majeurs qui agissent dans, autour de l’école, ainsi que dans tous les lieux où les acteurs publics et de la société civile sont présents. Par exemple, en mettant en œuvre des projets « classiques » ou innovants répondant aux problématiques sociales des publics dans les accueils collectifs de mineurs (ACM) -au sein des écoles, dans les centres sociaux municipaux, associatifs ou d’autres associations, dans et hors les murs- les animateurs contribuent à l’éducation et à l’émancipation des plus jeunes.

– La jeunesse : Les animateurs et les CEPJ sont les premiers acteurs de la mise en œuvre et de la coordination des politiques publiques de la jeunesse et de la vie associative. Ils développent des projets cohérents avec ces politiques et avec les acteurs publics et de la société civile, qui contribuent à dynamiser les territoires. Et ils forment chaque jour des milliers de futurs professionnels du monde de l’éducation d’aujourd’hui, qui exerceront eux-même leur métier dans, autour de l’école et dans tous les lieux où les acteurs publics et de la société civile sont présents et agissent.

  Notre syndicat a fait le choix d’exercer un syndicalisme de dialogue (au contraire d’un syndicalisme d’opposition systématique aux employeurs) et de défendre dans les négociations des propositions pragmatiques.

  Depuis plusieurs années, le SEP a donc réformé son mode de gouvernance interne, en cohérence avec le cœur de nos métiers, pour être réellement au fait des réalités vécues par les professionnels que nous représentons et pouvoir être porteur de propositions pleinement partagées par nos adhérents. C’est pourquoi, continuant à nous engager pour une société plus juste, plus égalitaire et plus respectueuse de notre écosystème, en réponse à votre discours d’investiture, nous vous adressons 5 propositions pour une nouvelle politique de l’Education Populaire au XXIe siècle :

 1. Une loi cadre d’orientation et de programmation sur l’Education Populaire qui constitue le socle d’une politique visant à développer l’esprit critique, les pratiques démocratiques et à renouveler le rapport de notre société avec notre écosystème ; qui présenterait notamment les prérogatives de l’Etat et des collectivités dans les relations avec les partenaires associatifs et ceux de l’Économie Sociale et Solidaire.

 2. La constitution d’un ministère de l’Education Populaire rattaché à la DGRH du ministère de l’Éducation Nationale, afin que l’État puisse s’adresser non pas spécifiquement aux acteurs de l’éducation formelle mais également aux acteurs de l’éducation non formelle (comme le fait l’Agence européenne pour l’Education et la Culture dans le cadre de ses différents programmes) pour la mise en œuvre des orientations de sa politique éducative.

 3. La mise place d’une politique publique promouvant la qualification en SIEG (service d’intérêt économique général) des acteurs de l’Education Populaire et de l’Economie Sociale et Solidaire -pour lors encore soumis à la logique des appels d’offre, destructrice et coûteuse pour la puissance publique-, ainsi que le développement de contrats et conventions pour garantir la capacité de ces organisations à servir l’intérêt général et stopper la détérioration du tissu social.

 4. La mise en œuvre et le financement d’un projet alternatif au SNU (« Jeunesse, citoyenneté et Émancipation ») visant à ritualiser le passage à l’âge adulte et à développer la réflexion sur la citoyenneté dans une société plus inclusive.

 5. Organiser les conditions qui permettent aux organisations et aux acteurs éducatifs de se connaître mutuellement et qui les y encouragent, afin qu’ils puissent développer leur complémentarité. De ce point de vue, comme les représentants, employeurs (Hexopée) nous espérons que le chantier ouvert depuis les assises de l’animation apportera dans les prochaines années des réponses concrètes.

Nous vous adressons, Monsieur le Président de la République, nos salutations citoyennes et syndicales les plus respectueuses.

Pour le Secrétariat national du Syndicat de l’éducation populaire

Eric Gallibour