L a santé est au coeur des préoccupations des Français, selon un récent sondage Ipsos pour le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Pourtant, notre système de remboursement des soins par l’Assurance Maladie subit des transformations profondes, opérées à l’abri des regards, qui menacent les fondements de notre modèle social.
Depuis plusieurs années, le désengagement progressif de l’Assurance Maladie en matière de remboursement des soins se poursuit. En 2023, la Sécurité sociale a augmenté le reste à charge pour les soins dentaires. En 2025, le gouvernement prévoit d’étendre cette hausse aux consultations médicales et aux soins dispensés par les sages-femmes.
Cette augmentation constante du reste à charge, amplifiée début 2024 par le doublement des franchises et par la majoration des participations forfaitaires -sommes qui sont déduites de nos remboursements -, installe insidieusement une société à deux vitesses : ceux qui accèdent aux soins et ceux qui en sont privés.
Ces mesures de déremboursement ne constituent pas de simples ajustements budgétaires ; elles entraînent un démantèlement progressif de notre protection sociale. Elles transforment notre système enun modèle où les soins courants deviennent de plus en plus une charge pour les individus et leurs complémentaires santé, pour ceux qui en possèdent une.
L’Assurance Maladie se concentre dès lors principalement sur les risques majeurs. En tant que citoyens,
nous devons exiger un véritable débat démocratique sur ces évolutions.
Un tel système entraînera inévitablement une hausse des cotisations des assureurs complémentaires. Comme une partie d’entre elles est déjà assumée par les employeurs, tant du secteur public que privé, le coût du travail s’en trouvera augmenté.
Si cette hausse des cotisations n’est pas accompagnée d’une réforme législative, elle accentuera les inégalités
sociales : les retraités, les jeunes, les chômeurs et les travailleurs indépendants seront particulièrement pénalisés, supportant seuls l’impact de ces coûts supplémentaires.
A terme, nous constaterons une démutualisation croissante de ces populations, augmentant le risque de renoncements aux soins et posant un réel problème de santé publique, avec une aggravation des défis de
santé auxquels font face ces populations vulnérables.
Cette dynamique accentuerait les inégalités sociales et économiques, soulevant des questions de fond sur l’équité du financement de nos systèmes de santé et de protection sociale.
Face à cette réalité, quelle vision les décideurs ont-ils réellement pour notre Sécurité sociale ? Ces déremboursements relèvent d’une approche à court terme qui privilégie les économies budgétaires au dé‐
triment de la santé publique et de l’accès aux soins. Dans un contexte où l’accès aux soins devrait être universel et équitable, il est impératif d’évaluer les conséquences à long terme de tels choix politiques.
Pour l’Unsa, un débat public s’impose quant à cette transformation silencieuse de notre système de santé. Les partenaires sociaux, l’Assemblée nationale, le Sénat, le Cese doivent y jouer un rôle central.
Il ne s’agit pas d’une simple question budgétaire traitée chaque année dans le PLFSS. Il est ici clairement question du modèle social que nous aspirons à construire ensemble.
Réaffirmons notre engagement envers les principes de solidarité et de justice sociale. Notre Sécurité sociale, fondée sur l’égalité d’accès aux soins, est un pilier de notre édifice républicain et doit le demeurer. La santé ne peut pas devenir un luxe réservé à quelques privilégiés.
Réformer notre système de santé nécessite une réflexion approfondie et partagée sur l’accès équitable aux soins pour tous et toutes, sans distinction de revenu. C’est le défi qui nous attend. Il est temps d’agir.
Laurent Escure et Dominique Corona