En septembre 2021, le SEP-UNSA a été alerté par de nombreux encadrants SNU qui n’avaient pas reçu l’intégralité de leur rémunération pour l’encadrement des séjours de cohésion organisés en juillet. Ils ont été plus d’une centaine à s’identifier et à nous expliquer leurs difficultés : salaire non-versé, journées de préparation non-payées, contrat non règlementaire, frais de déplacement et de repas non indemnisés… Les manquements sont nombreux mais à chaque fois, ce sont plusieurs centaines d’euros voir plus de 1000€ qui n’ont pas été versés en temps et en heure.

A ce jour, la secrétaire d’Etat et son cabinet assurent que les encadrants ont tous été payés et que ces retards de paiement sont dûs à l’Agence de Services et de Paiement… Parmi les impayés du SNU qui nous avaient contactés, certains ont été entièrement réglés. Mais en grande majorité, les comptes n’y sont pas. Si le règlement de la période couvrant le séjour de cohésion est souvent honoré, le paiement des temps de préparation ou des indemnités kilométriques et de repas, les attestations pôle emploi, les attestations employeurs ou les bulletins de salaires et soldes de tout compte sont parfois difficiles, voire impossibles à obtenir.

Avec la nouvelle campagne 2022 qui s’ouvre pour cette nouvelle période de vacances, notre syndicat craint une nouvelle cacophonie et des déboires financiers pour les encadrants du SNU. Et d’autres séjours sont prévus en juin et en juillet 2022.

De l’esprit à la loi…

A chaque fois présentée comme la proposition phare du Président de la République, le SNU devait mériter un investissement financier conséquent. Mais très vite, lorsqu’il a fallu chiffrer son déploiement, la masse salariale nécessaire a rapidement freiné les ambitions. C’est alors que le ministère de l’Éducation Nationale, avec  la DJEPVA*, ont proposé une adaptation du Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF) pour que ces séjours puissent entrer dans le cadre de la définition des Accueils Collectifs de Mineurs et bénéficier du Contrat d’Engagement Éducatif (CEE). 

Quand on pense que cela fait 10 ans  que le SEP-UNSA demande à ce que le BPJEPS soit inscrits dans le CASF en tant que diplôme de référence pour exercer les fonction d’animation et de direction et, que le ministère nous rétorque que c’est trop compliqué, la création de cet article positionnant le SNU comme un accueil collectif de mineurs est plutôt interpellant !

Outre le fait que cette modification du CASF  questionne d’un point de vue éthique (l’autorité qui déclare sera la même que celle qui contrôle : il s’agit de l’Etat),  elle ouvre de fait les droits au CEE.

Pour rappel, le Contrat d’Engagement Éducatif est un contrat dérogatoire au Code du Travail qui permet de ne pas être soumis (selon l’article L432-2 du CASF) aux dispositions suivantes de la troisième partie du code du travail : 

  1. l’aménagement des horaires : un salarié en CEE doit être dédié à son travail sans pouvoir vaquer à ses occupations privées et il n’y a aucune différence entre horaire de jour ou de nuit ;
  2. le repos quotidien et au repos hebdomadaire: le repos quotidien (11h de repos par période de 24h) peut être différé en fin de séjours pour tout ou partie ; 
  3. le salaire minimum interprofessionnel de croissance et à la rémunération mensuelle minimale: les salariés en CEE sont payés 2h par jour avec une indemnité arrêtée par décret et pouvant être majorée par l’employeur.

Ce sont donc des contrats très précaires qui sont proposés à ces encadrants SNU !

Et c’est le cœur de la politique jeunesse du président Macron. 

Enfin, nous alertons aussi sur le fait que dans une période de pénurie d’animateurs/directeurs, ces sessions vont venir bouleverser les séjours de vacances à venir.

En effet, chaque volontaire ne pouvant s’engager que 80 jours par an, les jours du séjour de cohésion seront décomptés de leur quota de 80 jours. 

L’Etat, un employeur exemplaire !?

Dans le cadre d’un accompagnement continu, nous avons proposé à certains candidats à l’encadrement de la promotion 2022 de les accompagner. Le SEP-UNSA a donc étudié leur contrat et nous notons plusieurs incohérences…

1. Le respect des repos obligatoires :

Alors que l’article D432-5 du CASF liste les 8 points obligatoires à faire figurer dans un CEE, tous ne sont pas respectés. Un CEE doit faire figurer:

  • L’identité des parties et leur domicile ; 
  • La durée du contrat et les conditions de rupture anticipée du contrat ; 
  • Le montant de la rémunération ; 
  • Le nombre de jours travaillés prévus au contrat ; 
  • Le programme indicatif des jours travaillés pendant la période du contrat, ce programme contenant la répartition du nombre de jours entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; 
  • Les cas dans lesquels une modification éventuelle du programme indicatif peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, toute modification devant être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu, sauf pour les cas d’urgence ; 
  • Les jours de repos ; 
  • Le cas échéant, les avantages en nature et le montant des indemnités dont il bénéficie. 

Dans les contrats que nous avons eus en main, il manquait toute la partie relative à l’opérationnalité du séjour. Les conditions d’organisation des jours de repos, du repos compensateur, les modalités d’évolution du programme, ne sont pas indiquées. S’il est bien précisé que le repos compensateur sera pris à la fois lors du séjour (4 périodes de 4h) et à l’issue du séjour, il n’y a pas de programme indicatif ou d’indication sur les modalités de gestion du temps de travail au cours du séjour.

Nous alertons les volontaires engagés pour qu’ils soient vigilants au bon respect de leur droit en matière de repos.

2. Le respect de la qualification « engagement éducatif »

L’Article L432-1 du CASF définit très clairement l’engagement éducatif comme une « participation occasionnelle, … , d’une personne physique à des fonctions d’animation ou de direction d’un accueil collectif de mineurs à caractère éducatif organisé à l’occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs, dans les conditions prévues aux articles L. 227-4 et suivants.

Est également qualifiée d’engagement éducatif la participation occasionnelle d’une personne physique, pour le compte d’une personne morale agréée au titre de l’article L. 312-1, à l’accompagnement exclusif des activités de loisirs et des activités sportives, dans des établissements et services pour enfants, adolescents ou adultes handicapés, ou lors de séjours d’accueil temporaire pour des activités liées aux vacances. » 

En 2021, des intendants ont été recrutés en CEE…

Nous alertons largement les volontaires de 2022 en leur indiquant que seuls les postes d’encadrants pédagogiques (assimilés directeur ou animateurs) peuvent bénéficier d’un CEE. Tous les autres postes tels que intendant, cadre infirmier ou cadre spécialisé, cuisinier, … ne peuvent pas être recruté en CEE. Dans ce cas là, c’est le CDD qui doit être la règle. 

3. Temps de préparation et déplacements

L’an dernier, les temps de préparation et les déplacements ont été source de tensions. Plusieurs volontaires n’ont pas été payés à la hauteur de leur investissement. Et pour cause, il n’y a pas toujours eu d’engagement écrit sur les modalités de rémunération de ces temps de travail.

Les contrats uniformisés proposés aux services déconcentrés de l’Etat pour les sessions 2022 ne font pas exception. A aucun moment il n’est indiqué que les volontaires en CEE bénéficieront d’un temps de travail rémunéré pour la préparation du séjour ou pour leur déplacement. Ou si ces jours sont mentionnés, ils peuvent parfois être globalisés sans véritable transparence.

Nous alertons les volontaires de 2022 sur l’intérêt et la nécessité de bien se faire préciser les modalités de préparation des temps de travail par écrit. Sauf à pouvoir prouver que les services se sont engagés oralement à vous payer les heures de préparation et les déplacements (CERFA Formulaire 11527*03), seuls les écrits feront foi. Penser à le faire noter sur votre contrat !!

Un nouveau statut pour de nouveaux encadrants SNU ?

Suite aux difficultés rencontrées pour pourvoir et financer l’ensemble des besoins en encadrement, le Ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports a  créé un nouveau droit pour les fonctionnaires. Désormais, chaque fonctionnaire qui le souhaite peut solliciter un congé de 60jours pour encadrer le SNU.

Dans l’Ordonnance n° 2021-1159 du 8 septembre 2021 relative aux conditions de recrutement et d’emploi des personnes chargées d’encadrer les volontaires du service national universel, est prévu un congé spécial pour tous les agents des 3 fonctions publiques (Etat, Territoriale et Hospitalière) qui souhaiterait encadré un séjour SNU.

Là encore, il est fait mention de l’encadrement… quid de la préparation?

Si l’on s’en tient à l’expérience de 2021, la préparation – hormis les journées de réunion balisées – ne fait pas partie des activités autorisées par ce congés spécial. Nous en concluons que les temps de préparation sont donc à prendre sur le temps personnel ou sur son temps de travail ordinaire.

La préparation et le bilan ne seraient donc pas des temps de travail SNU indemnisés en plus comme le séjour de cohésion. Pour les fonctionnaires, ce temps serait payé par leur traitement habituel lié à leur corps d’appartenance, à leur administration employeuse…

Cette contribution en masse salariale « publique » échappe aux règles de présentation budgétaires normales (loi de finances présentée aux parlementaires, visibilité en comptabilité publique…)

Cette année sera une année une année test pour l’utilisation de ce congé. D’ailleurs, selon nos informations, ce congé ne serait pas mobilisé avant 2023 voire au-delà !

A l’heure actuelle, nous n’avons aucun recul sur les conséquences que ce congé aura dans la dés-organisation des services et sur le traitement indemnitaire des agents qui seraient « absents excusés ».

Le remplacement des agents partis en SNU n’étant pas prévu par le décret, le SEP-UNSA s’interroge sur le suivi des missions lorsqu’un agent sera en congé exceptionnel. Avec la diminution du nombre d’agents de la fonction publique, les services sont bien souvent à flux tendus et il est toujours plus compliqué de remplacer un agent absent. 

Enfin, l’expérience syndicale nous a appris que souvent, les agents qui prenaient des congés spéciaux (formation syndicale, décharge syndicale, formation, …) étaient désavantagés  lors des attributions indemnitaires… Qu’en sera-t-il pour ce congé spécial qui vise à répondre à une priorité de l’Etat? Chaque chef de service valorisera-t-il « l’engagement citoyen » de son agent autant que l’Etat valorise le SNU? 

Nous alertons les agents de la fonction publique et les encourageons à bien vérifier quelles sont les tâches couvertes par ce congé spécial, les modalités de validation de ce congé, les incidences sur le service et sur leur traitement indemnitaire.

Les décrets et arrêtés récents sur les montants indemnitaires de l’encadrement des séjours de cohésion SNU sont clairs : ne sont indemnisés que les jours d’encadrement des séjours de cohésion !

Alors que la campagne SNU 2022 se lance avec ces premières vacances de février, le SEP-UNSA est soucieux de constater que les erreurs passées semblent se reproduire. L’ambition nationale attachée au SNU ne bénéficie pas des moyens nécessaires pour aboutir à un déploiement et encore moins à une universalisation du dispositif. L’Etat est bien loin de faire preuve d’exemplarité en tant qu’employeur. Les nouveaux outils revus suite à la campagne 2021 sont encore lacunaires et des incohérences persistent. Il semble que des réponses aient été apportées sans prendre le temps d’envisager la mission dans son ensemble et en cohérence.

A titre d’exemple, pour cette année, les séjours seront dotés d’infirmier.e car c’était un manque en 2021. Très bien! Mais alors, quel sera le rôle du cadre spécialisé? Comment s’articuleront les missions de l’infirmier et du cadre spécialisé ?…

Et les salariés du secteur privé ?

l’Ordonnance n° 2021-1159 du 8 septembre 2021 relative aux conditions de recrutement et d’emploi des personnes chargées d’encadrer les volontaires du service national universel prévoit d’autres leviers pour élargir le vivier des encadrants :

« Lorsque des fonctions exercées en leur sein nécessitent une qualification technique spécialisée dans les cas et conditions définis par décret en Conseil d’Etat ou en vue de l’exercice des fonctions de préparation et d’encadrement des séjours de cohésion du service national universel, les administrations et les établissements publics de l’Etat peuvent bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé.
« Lorsque la mise à disposition intervient dans le cadre du service national universel, la durée cumulée totale des mises à disposition ne peut être supérieure à soixante jours sur une période de douze mois consécutifs.


« Toute mise à disposition est assortie du remboursement par l’Etat ou l’établissement public des rémunérations, charges sociales, frais professionnels et avantages en nature des intéressés et donne lieu à la passation d’une convention avec leurs employeurs.


« Les personnels mis à disposition sont soumis aux règles d’organisation et de fonctionnement du service où ils servent et aux obligations s’imposant aux fonctionnaires ».

Selon nos informations, ces dispositions ne seraient pas appliquées en 2022…

En conclusion, sans revenir sur la position du SEP-UNSA sur le SNU mais en s’intéressant aux conditions de travail et d’emploi des collègues fonctionnaires oui du secteur privé, nous appelons à la plus grande des vigilances et ne manquerons pas, comme nous l’avons fait à plusieurs reprises, d’interpeller les ministres, leurs cabinets et l’administration centrale sur les dysfonctionnements et dérives qui pourraient survenir.

Le secrétariat national du SEP-UNSA

Contact presse : David Durand, co-secrétaire général

sep.sg@unsa-education.org

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